Delices du jardins

« Heureux chocolat, qui après avoir couru le monde, à travers le sourire des femmes, trouve la mort dans un baiser savoureux et fondant de leur bouche. » Brillat Savarin (1826)

Il existe plusieurs espèces de cacaoyer et de nombreuses hybridations sont possibles entre ces espèces. La plus intéressante pour l’alimentation humaine est l’espèce Theobroma cacao, originaire des forêts humides de l’Orénoque et de l’Amazonie ainsi que de l’Ile de Trinidad. Le cacaoyer est un arbre de 12 à 15 m de hauteur, sa croissance est souvent limitée volontairement à quelques mètres pour faciliter la récolte de ses fruits. L’inflorescence est une cyme bipare et la floraison dure 5 mois. Les fruits, dénommés « cabosses », sont des baies charnues et indéhiscentes de 15 à 20 cm de longueur. Les cabosses renferment de 30 à 40 graines ou « fèves » qui, après torréfaction, servent à fabriquer le chocolat.

Le chocolat était chez les Mayas une boisson à base de cacao et d'épice, de piment, de miel, et de farine de maïs. Il ne se consommait que pour de grandes fêtes en honneur des dieux. Le "cacahuaquchtl" ou cacaoyer, signifie "arbre", l'arbre des Dieux Mayas. Chez les Aztèques, le chocolat faisait guise d'offrande aux dieux et en particulier à Quetzalcoatl, grand dieu de la forêt. C'est à lui qu'ils devaient le cacaoyer, celui-ci était le jardinier du Paradis. Les fèves servaient aussi de monnaie.

En 1494, de retour des Amériques, Christophe Colomb jette par-dessus bord les fèves qu'il avait reçues des indiens. Il les aurait prises pour des crottes de chèvre. Ce n'est que plus tard, en 1502 sur l'île de Guanaja, qu'il découvre pour la première fois la boisson chocolatée. C’est après la conquête des Aztèques par les Espagnols que le chocolat est importé en Europe où il devient rapidement très prisé à la cour d'Espagne.

Le chocolat fut dès son arrivée, en 1528, "christianisé" par les sœurs qui réussirent à retirer toute sa diablerie due aux épices. Cependant, le plaisir qu’il provoquait posait régulièrement un problème d'ordre religieux, était-ce un péché mortel pour un ecclésiastique de boire du chocolat avant la messe ? Un curé madrilène en discuta dans son traité de Question morale « si el chocolate quebrante el ayuno ». Plus tard, un certain Bachot, dans une thèse, soutint que le cacao était nourriture des dieux. En 1737, le chocolat est officiellement classé "nourriture divine" par Charles de Linné qui donna son nom au produit Theobroma cacao L. (Théobroma : nourriture des dieux ; cacao de cacuathl).

Originaire du Moyen-Orient, le dattier est aujourd’hui cultivé bien au-delà du golfe persique. Il a conquis l’Iran, la vallée de l’Indus et plus encore l’Afrique du Nord, à travers le Sahara.

Son stipe est de piètre qualité, mais il est le seul matériau pouvant servir à fabriquer des poutres dans ces contrées désertiques. Évidé, il permet la construction de conduites d’irrigation. Les fibres entourant la base de la palme sont employées pour tresser des cordages et rembourrer les coussins, les matelas et les selles. On fait des balais avec les rafles, infrutescences dont on a ôté toutes les dattes. Ses feuilles sont utilisées pour recouvrir le toit des habitations et fabriquer des tapis, des nattes, des paniers et des cages.

La sève du dattier fournit une boisson douce et sucrée, le lagmi ou « lait de palmier », qui, une fois fermentée, donne le vin de palme. Son fruit, à la pulpe sucrée et très nutritive est une ressource alimentaire vitale pour les populations d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. La datte est consommée fraîche ou séchée ; elle entre dans la composition de préparations culinaires aussi délicieuses que variées. L’épithète « dactylifera » veut dire en latin « qui porte des doigts », car le fruit du dattier a la forme d’une phalange. La variété « Deglet Nour », que l’on considère comme la reine des dattes, a cette même caractéristique, ces mots signifiant en arabe « doigt de lumière ».

La dimension symbolique du dattier est considérable. Il est sacralisé depuis des millénaires dans des régions qui sont le berceau des religions monothéistes. Associé au culte d’Osiris chez les Egyptiens, les Juifs et les Arabes voyaient en lui une représentation symbolique de l’être humain, car comme l’homme, le palmier meurt lorsqu’on lui coupe la tête. Dans l’Antiquité, la palme du dattier incarne le triomphe, la victoire. Victoria, la déesse de la victoire s’appelait aussi dea palmaris et était représentée une palme à la main. Cet emblème du mérite a persisté jusqu’à nous puisque la feuille de dattier orne toujours les « palmes académiques ».

Cette connotation triomphale figure également dans les textes de la religion chrétienne : les évangiles rapportent que l’on offrit des palmes de dattiers à l'entrée du Christ à Jérusalem ; le dimanche des Rameaux rappelle cet évènement. En Espagne et en Italie, les palmes blanches (feuilles de dattier ainsi colorées car privées de la lumière du soleil pendant plusieurs mois) sont encore portées lors de cette cérémonie.

Au Moyen Orient, d’où il est vraisemblablement originaire, le figuier est connu des civilisations sumériennes depuis le IIIe millénaire avant J.C. Les Égyptiens le cultivaient aussi il y a déjà près de 5000 ans : ils en tiraient une boisson et l’employaient dans leur pharmacopée.

Dans la mythologie grecque, le figuier est un don de Déméter, la déesse des moissons et de la terre. À l’époque Antique, la figue se consomme quotidiennement fraîche ou séchée ; elle enrichit de nombreuses préparations culinaires très nourrissantes. D’une haute valeur énergétique en raison de sa teneur en sucre, la figue est recommandée aux athlètes pour accroître leur force et leur agilité. Platon, était surnommé « philosukos », qui signifie « l’ami des figues », car il adorait ces fruits auxquels il prêtait le pouvoir de renforcer l'intelligence. Les Romains associent l’arbre à l’épopée légendaire de Romulus et Remus, les fondateurs de la ville de Rome. La louve qui allaita les deux nouveau-nés abandonnés s’était réfugiée sous le Ruminal, un figuier sauvage présent au milieu du Forum. L’arbre fut alors vénéré car le latex qui s’échappe de ses branches était associé au lait maternel qui sauva Romulus et Remus.

Botaniquement parlant, la figue est un « faux fruit », ou plutôt une infrutescence formée d’une centaine de fruits. La partie charnue, en forme d’urne, abrite de nombreuses fleurs. Chacune d’elles, après avoir été fécondée, forme un akène brun, le véritable fruit qui renferme une graine. La chair violette que l’on consomme à l’intérieur de la figue est constituée des pédoncules floraux charnus qui rattachent les akènes à l’axe de l’inflorescence replié sur lui-même.

La pollinisation du figuier est un processus complexe, qui repose sur l’interdépendance entre l’arbre et une petite guêpe appelée « blastophage ». Cet insecte, qui assure la pollinisation des fleurs à l’intérieur du réceptacle charnu, n’est présent que dans la partie sud de la France. Au nord de la Loire, seules les variétés dites parthénocarpiques sont productives, car leurs figues mûrissent sans être pollinisées par aucun insecte.

La figue, en raison de sa forme et du grand nombre de graines qu’elle contient, symbolise la fécondité. En Afrique du Nord, les femmes désireuses d'avoir des enfants en consommaient à chaque petit déjeuner. C’est également au pied d’un figuier qu’elles enterraient le placenta de leur enfant, gage d’une bonne lactation et de la parfaite santé du nouveau-né. Cette croyance a pour origine la similitude entre le lait maternel et le latex blanc que produisent les figues avant complète maturité.

Le grenadier pousse spontanément en Asie occidentale et centrale, des rives de la Mer Noire au Pakistan. Il a rapidement été disséminé par les nomades et les caravaniers car son fruit, à l’enveloppe externe coriace, se conserve longtemps et s’altère peu durant le transport. La pulpe juteuse entourant les graines permettait ainsi d’étancher la soif tout au long des voyages. La grenade arrive en Chine dès le début du IIe siècle avant JC. Les Romains l’ont rapportée vers l’Italie à l’occasion de leur victoire sur les Carthaginois puis les Maures l’ont introduite en Espagne lors de la conquête de la péninsule ibérique au VIIIe siècle.

En raison de sa forme ronde et du grand nombre de graines qu’elle contient, la grenade est, depuis des millénaires, symbole de vie, de fécondité et de richesse. Chez les Grecs, Héra, la mère des dieux, protectrice du mariage et de la naissance, était représentée portant une grenade à la main. Le fruit est au centre d’un autre récit à l’origine du cycle des saisons dans la mythologie grecque. Perséphone enlevée par Hadès qui règne sous la terre, mangea sept graines d’une grenade du jardin des Enfers. Ayant goûté à la nourriture des morts, elle se condamna à passer six mois de l’année en Enfer et six mois sur Terre, reproduisant l’alternance de l’été et de l’hiver. Dans la religion chrétienne, la grenade, qui renferme des grains serrés et unis par une couleur rouge sang, représente le corps du Christ, c'est-à-dire l’Eglise elle-même. Le fruit symbolise la communauté des fidèles rassemblés par une même foi.

La grenade se consomme fraîche et entre dans la composition de la célèbre grenadine. Cette boisson n’en a plus aujourd’hui que le nom : autrefois fabriquée à base de concentré de pulpe de grenade, elle est, à l’époque actuelle, un mélange industriel de fruits rouges !

Une épice appelée Anardana, est élaborée à partir de ses graines séchées : employée dans la cuisine de l'Inde et du Pakistan, elle ajoute une pointe d'acidité aux currys. On extrait également de la peau du fruit des colorants qui permettent de teindre en jaune ou en noir les étoffes et les tapis. L’enveloppe externe de la grenade servait au tannage et à la teinture des cuirs.

Aujourd’hui, la grenade intéresse les scientifiques pour ses propriétés anti-oxydantes dues à sa forte concentration en polyphénols, en vitamines C et E, et en caroténoïdes. De ce point de vue, elle surpasse le thé vert. Sa consommation est bénéfique dans la prévention des troubles de la circulation sanguine et notamment des maladies cardiovasculaires.

L’origine du pommier domestique a longtemps été incertaine. Des analyses génétiques récentes ont démontré que c’est une espèce originaire d’Asie centrale, le pommier de Sievers (Malus sieversii), qui est le principal et le plus ancien ancêtre du pommier domestique. Cet arbre croît dans le massif du Tian Shan aux confins du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan, du Kirghizistan et de l’extrême ouest de la Chine. Voyageant vers l’occident le long de la route de la soie, le pommier de Sievers est arrivé en Europe occidentale il y a près de 3000 ans. Dès lors, et grâce à un long processus de croisements et de sélections successifs, il a engendré toutes les variétés de pommes que nous consommons aujourd’hui.

En Asie, les vergers qui abritent les Malus sieversii sont fortement menacés par l’urbanisation croissante. Leur préservation est impérative, car ces pommiers ancestraux sont porteurs d’une précieuse diversité génétique apte à améliorer la résistance aux maladies ou la saveur de nos pommes de demain.

Fruit délicieux se conservant longtemps, la pomme a voyagé très tôt dans toute l’Europe. Dans de nombreuses civilisations, elle est empreinte de valeurs symboliques associant fertilité, immortalité et convoitise. Dans la mythologie celtique la pomme est le fruit du savoir et de la perpétuelle jeunesse. Le paradis des Celtes est nommé Avalon, « l’île aux pommes », pays situé à l’ouest du monde et gouverné par la fée Morgane. Agonisant, le Roi Arthur vogua vers Avalon, dans l’espoir secret de ressusciter. Dans la mythologie nordique, Idunn, la déesse de jouvence, conserve des pommes magiques dans un coffre : pour échapper à la mort, les dieux mortels les mangent lorsqu’ils se sentent vieillir.

Chez les Grecs et les Romains, la pomme, associée à la volupté et à l’amour, est l’attribut de la déesse Aphrodite. Mais ce fruit, bien trop attrayant, est aussi l’objet du désir et de l’envie qui entraînent nécessairement querelles et ressentiments. Le mythe de la «pomme de la discorde » symbolise cette ambivalence. Furieuse d’avoir été bannie des noces de Thétis et de Pélée, Éris, la déesse de la discorde, jeta au milieu de l’assemblée une pomme sur laquelle étaient écrits les mots « à la plus belle ». En lançant la pomme, Éris sema le trouble et engendra la guerre de Troie.

Originaire de l’Amérique tropicale, le vanillier est une liane vivace. Il appartient à la classe des monocotylédones. Les inflorescences sont des épis qui portent chacun une vingtaine de boutons floraux qui s’épanouissent l’un après l’autre. Les fleurs sont éphémères, mais la floraison commence mi-septembre (début de l’été) sur l’île de la Réunion. Les fruits sont des capsules portant le nom impropre de « gousse », contenant un nombre immense de graines noires, minuscules et brillantes. Les fruits constituent le condiment.

L'histoire de la vanille est associée à celle du chocolat. Les Aztèques et auparavant les Mayas, agrémentaient de vanille une boisson épaisse à base de cacao. Ils ne cultivaient cependant eux-mêmes ni le cacao, ni la vanille, en raison d'un climat inadapté. Ces denrées de luxe provenaient d'un commerce avec les régions voisines. Ce sont les Totonaques, occupants des régions côtières du golfe du Mexique, qui produisaient la vanille et en approvisionnaient l'empire aztèque.

Les espagnols découvrent la vanille au début du XVIe siècle suite à la conquête des Amériques. La première référence écrite connue à la vanille, ainsi que la première illustration, figurent dans le « Codex de Florence », premier écrit sur la phytothérapie mexicaine des médecins aztèques Martinus de la Cruz et Juannes Badiano en 1552. Cet ouvrage constitue à la fois la première référence concernant une orchidée du Nouveau Monde et le premier livre médical écrit aux Amériques.

La vanille est cultivée au Brésil, au Paraguay, à Java, à Tahiti à la Réunion et au Madagascar (85% de la production mondiale). Elle est utilisée en « gousse », en poudre, en extrait alcoolique et sert universellement à aromatiser les desserts.

Le chêne est un arbre à feuillage caduc originaire des régions tempérées d'Europe. Son fruit est porté par un long pédoncule. Sur le vieux continent, rares sont les espèces qui fournissent un bois dur, dense et durable comme celui du chêne. L’arbre peut vivre près d’un millénaire et atteindre 40 m de hauteur.

C’est la principale essence utilisée depuis le Moyen-âge dans l’édification des charpentes des bâtiments en Europe car sa richesse en tanin le rend quasiment imputrescible. Son bois fut également employé en construction navale jusqu’au XIXe siècle en raison de sa résistance dans l’eau. Les navires marchands, comme les bateaux qui ont effectué les voyages d’exploration scientifique autour du monde au XVIIIe siècle, étaient faits de chêne. Son écorce et son bois servaient pour le tannage des cuirs. Le gland était utilisé pour l’alimentation animale mais aussi par l’homme en cas de disette sous forme de farine ou torréfié pour produire un succédané de café.

Les Celtes et les Gaulois vénéraient le chêne qu’ils considéraient comme doté de pouvoirs divins. Il portait quelquefois du gui qui était particulièrement recherché par les druides, car il combinait les vertus médicinales et magiques de la plante poussant sur les branches, à la force et la puissance que symbolisait le chêne. Les cultes païens de l'époque gauloise dédiés à l’arbre ont subsisté en se christianisant au cours de l'évangélisation des campagnes au Ve et VIe siècles après JC. En France, de nombreux chênes sont ainsi toujours associés au culte de la Vierge Marie ou dotés d’un prétendu pouvoir de guérison.

À l’époque préchrétienne, le chêne est un arbre sacré qui symbolise la majesté, la force et la longévité. Chez les Germains, il est consacré à Donoar-Thor, le dieu du tonnerre, l’équivalent de Zeus chez les Grecs, Jupiter chez les Romains et de Perun chez les Slaves. Ses hautes branches partant à l’assaut des nuages et ses racines qui l’ancrent profondément en terre font du chêne un instrument de communication entre le ciel et la terre, le monde des vivants et celui des esprits. Les plus beaux arbres sont des lieux de cultes, de réunion ou de sacrifices. Plus près de nous au XIIIe siècle, Saint-Louis roi de France, rendait la justice sous un chêne.

Ce symbolisme de la force et la justice a perduré : la feuille de chêne orne toujours le képi des officiers et certaines décorations telles que la Légion d'honneur et la médaille de l'Ordre national du Mérite.

Plante originaire d’Abyssinie, du Soudan et de la Guinée, le caféier est un petit arbre de la classe des dicotylédones mesurant de 5 à 10 m de hauteur. L’inflorescence est un glomérule et la floraison peut avoir lieu 2 ou 3 fois par an. Les fruits, dénommés « cerises » sont des drupes se développant très lentement (entre 6 et 8 mois). Les drupes possèdent deux noyaux renfermant chacun une graine pourvue d’un albumen corné qui est la partie comestible de la graine.

Les histoires relatives au café sont nombreuses ; néanmoins celle du berger Kaldi, relatée dans un des contes des Mille et Une Nuits, est la plus fameuse. Alors qu'il faisait paître ses chèvres dans les montagnes d'Arabie, Kaldi découvre des arbustes couverts de petits fruits rouges. Ayant remarqué l'excitation qui s'emparait de ses bêtes après avoir brouté sur les collines, le berger choisit d'en parler aux « moines » soufis présents dans la région. Ces derniers décidèrent d'aller cueillir ces fruits, les firent sécher et préparèrent une infusion qu'ils burent avec délice. Bientôt, ils furent gagnés par une agitation fébrile qu'ils assimilèrent à une révélation divine.

La torréfaction est l’opération fondamentale de grillage des graines qui fait apparaître les molécules odorantes et donne au café le statut d’épice. La découverte de la torréfaction s'est faite par hasard. On raconte qu’au Yémen, deux moines, Sciadli et Aydrus, sont chargés de la récolte du café. Par un après-midi pluvieux, ils reviennent avec leur récolte complètement trempée. Pour faire sécher les grains, ils les placent dans une cheminée où brûle un bon feu. Puis ils se rendent à la prière. Quand ils reviennent, les grains sont plus que secs. Ils ont rôti, mais ils sentent très bon.

C'est au XVIe siècle que les Européens découvrent le breuvage grâce aux Ottomans. Dès 1615, le café se diffuse sur l'ensemble du continent, soit cinq ans après le thé et de nombreuses années après le cacao, introduit par les Espagnols en 1528. Son succès est tel que certains religieux italiens ont demandé son excommunication, pensant qu'il ne pouvait être que le « fleuve » du diable. Le pape Clément VIII (1592-1605) a même proposé de le faire baptiser afin d'en faire un vrai breuvage chrétien !

Le Cannelier est originaire du Sri Lanka et du Sud-est de l’Inde. C’est un petit arbre d’une quinzaine de mètres de hauteur muni de longues feuilles persistantes.

L’écorçage des canneliers est pratiqué au moment de la montée de sève, durant la saison des pluies. Les bandes d’écorce détachées du tronc des jeunes tiges sont grattées pour en ôter le liège se trouvant sur la partie externe et ne laissant que le liber. Durant le séchage, les fragments d’écorce s’enroulent sur eux-mêmes pour former les bâtons de cannelle tels que nous les connaissons en Europe.

Cette épice est depuis très longtemps utilisée par l’homme. Les Egyptiens l’employaient en parfumerie. Elle est citée à plusieurs reprises dans la Bible, nommée « cinnamone » et reconnue pour son parfum prononcé, elle est, chez les Hébreux, un des ingrédients de l’huile de l’onction sacrée.

Si les Portugais découvrirent l’arbre lorsqu’ils accostèrent sur l’île de Ceylan au XVIe siècle, sa culture ne se développa qu’au XVIIIe alors que l’île est sous domination hollandaise. Les Hollandais conservaient d’ailleurs jalousement le monopole de l’épice, jusqu’à ce que l’agronome français Pierre Poivre (1719-1786) introduise des canneliers aux Seychelles puis à l’île Maurice, engendrant ainsi sa propagation dans de nombreux autres pays tropicaux.

La cannelle est très largement employée en cuisine pour aromatiser les desserts. En Europe de l’Est et en Asie elle accompagne également les viandes ou le riz. Associée aux clous de girofle, c’est un ingrédient indispensable à la préparation des fameux « vins chauds » ; l’arôme prononcé de la cannelle masque inévitablement les faiblesses des vins de piètre qualité. L’huile essentielle de cannelle a aussi de nombreuses propriétés médicinales stimulantes. Elle soigne ainsi le rhume et la toux.

Il existe de nombreuses variétés de citron. Le citronnier est un arbrisseau qui ne dépasse pas 6 m, le tronc fait entre 30 et 50 cm de hauteur et porte 5 à 6 branches charpentières. Les fleurs sont blanches et les fruits sont des baies oblongues de 5 à 12 cm de long appelés citrons ou hespérides utilisés (« écorces » ou zeste et pulpe) comme condiment.

Dans la mythologie grecque, Harmonillus, beau jeune homme doté d’une voix magnifique, fut enrôlé par Apollon en Arcadie dans son Ephebeum, sorte d’école de jeunes chanteurs où les professeurs sont de vieilles dames. L’une d’elle, Vafronia Rabiria, tente de l’orienter vers Thalie, muse de la Comédie, alors qu’il préfère Uranie, muse de l’Astronomie. Sous le fallacieux prétexte d’épargner sa voix, elle lui interdit pour un temps le chant. Un acolyte de Vafronia, Musculus Naserna, le persuade de se livrer à son art en un lieu retiré, où il est évidemment surpris et dénoncé. Lorsque les femmes professeurs se précipitent sur lui, il commence à pleurer et à appeler son tuteur Cléomède. Mais arrosé par ses propres pleurs, Harmonillus se transforme en citronnier : ses pieds deviennent racines, ses bras des branches et ses mains des fruits.

Le citron contient de nombreuses molécules aromatiques utilisées en cuisine. Le zeste riche en essence composée de terpènes (95%). La pulpe riche en acide citrique (6 à 9%) contient de la vitamine C (60mg pour 100g). Autre qu’en cuisine et en pâtisserie, le citron est utilisé en parfumerie et en savonnerie. Son huile essentielle est en général produite en Italie par expression des zestes. Dans la Rome antique, des décoctions de feuilles de citronnier ont été utilisées pour parfumer les habits et contre les mites.

Des découvertes archéologiques ont montré que le maïs était cultivé il y a déjà 7000 ans sur les hauts plateaux du Mexique. La plante a joué un rôle décisif dans la vie des civilisations indiennes d’Amérique précolombienne, où usages domestiques et religieux cohabitent intimement. Le maïs, qui constitue alors un aliment quotidien essentiel, est déifié. Chez les Incas, la plante est attachée à la vénération du Dieu Tlatoc (dieu de la pluie qui envoie de l’eau sur les cultures) et à de nombreuses divinités ou déesses telles Cinteotl et Chicomecoatl. Chez les Mayas, Yum Kaax associé au maïs, est le troisième dieu par ordre d’importance dans la hiérarchie mythologique. Cette personnalisation du maïs en dieu se traduit par de nombreux rites d’offrandes saisonniers afin de s’assurer de la totale bienveillance des divinités pour les récoltes à venir.

L’origine botanique et génétique de la plante fait débat. Globalement, les scientifiques s’accordent à penser que les téosintes, graminées sauvages originaires d’Amérique centrale, sont les ancêtres du maïs cultivé. Ces plantes annuelles ou pérennes, aux épis minuscules, auraient été sélectionnées par les civilisations précolombiennes, afin d’obtenir une céréale consommable, productive et aisée à cultiver. Au cours de sa domestication, le maïs a gagné en valeur agronomique tout en perdant sa capacité de survivre à l'état sauvage. En effet, ses grains sont si solidement fixés à l’épi, qu’ils ne peuvent tomber seuls et se disséminer sans intervention humaine.

Christophe Colomb introduit le maïs en Europe au milieu du XVe siècle. En un siècle, par le biais des échanges commerciaux, il conquiert tout l’Ancien Monde jusqu’à la Chine. Au XXe siècle, sa grande variabilité va être mise à profit par les généticiens qui effectueront de multiples croisements et sélections, afin d’obtenir des plants de maïs précoces, prolifiques et tolérants au froid.

Le maïs est cultivé pour ses graines riches en amidon. Il est principalement employé dans l’alimentation animale (grains et ensilage) dans les pays industrialisés. En Afrique et en Amérique latine, il est toujours consommé quotidiennement sous forme de farine ou de bouillie. Enfin, l’industrie agro-alimentaire le valorise au travers de la production d’alcool, de fécule, de colles ou de « plastiques » biodégradables.

Les vignes sont des lianes, arbrisseaux grimpants qui s'attachent aux supports par des vrilles. Ce sont des plantes du genre Vitis largement cultivées pour leurs fruits en grappes, le raisin dont on tire un jus, le moût qui devient du vin après fermentation. Les tiges ligneuses, appelées sarments, taillées en culture, peuvent atteindre dans la nature de très grandes longueurs en grimpant dans les arbres. Les feuilles à nervure palmées comportent cinq lobes principaux plus ou moins découpés, et sont en forme de cœur à la base. Elles connaissent une importante polymorphie selon les cépages et espèces.

C’est en Égypte que l’on a retrouvé les plus anciennes activités liées à la viticulture. Des hiéroglyphes datant de 3200 ans avant JC, représentant des piquets supportant des pieds de vigne, y ont été découverts. Des fresques représentant des vignes ornaient également les chambres funéraires de Louxor. Le premier dieu du vin est Osiris, lequel est également le dieu du cycle de la végétation et de la vie après la mort. Les Égyptiens surnommaient parfois le vin « la sueur de Ré », le dieu solaire.

À toutes les époques, le vin fut une source d’inspiration pour les arts. Les poètes et les peintres ont largement dans leurs œuvres, associé le vin au divin, au sacré et au profane. Les artistes ont illustré l’histoire sociale et culturelle du vin. À travers leurs œuvres on voit émerger trois thèmes principaux : le dieu antique du vin Dionysos ; la symbolique du sang du Christ dans le christianisme ; et le vin comme source de plaisir.

Dionysos qu'on retrouve sous le nom de Bacchus chez les romains et qui fut assimilé à une ancienne divinité italique, Liber Pater, est avant tout le dieu de la vigne et du vin sans en être toutefois l'inventeur puisque Homère fait dire à Ulysse qu'il était redevable à Maron, fils d'Evanthe et prêtre d'Apollon de lui avoir fourni une outre remplie de vin qui lui servira à enivrer Polyphème. Couronné de pampres, tenant la grappe de raisin, il chevauche un bouc, un âne ou une panthère apprivoisée.

Le caroubier est originaire du Bassin méditerranéen. L’arbre est capable de croître dans des sols très pauvres et dans des conditions d’aridité extrême.

Son fruit, la caroube, est consommé depuis la nuit des temps. Les Égyptiens en extrayaient un épais sirop dans lequel ils faisaient confire des fruits. Ce liquide sirupeux est toujours très populaire dans l’est de la région méditerranéenne. La pulpe que contient la gousse est très sucrée (40% de glucose et saccharose) et constitue, de fait, un aliment énergétique apprécié. Le caroubier est d’ailleurs appelé « pain de Saint Jean », car, selon la légende, Saint Jean-Baptiste se serait nourri de ses fruits lors de sa traversée du désert. Les caroubes sont surtout consommées séchées car leur pulpe revêt alors une texture mielleuse et une saveur très aromatique rappelant le chocolat. Localement, les populations utilisent aussi ces fruits riches en fibres pour leurs vertus médicinales antidiarrhéiques.

Si les fruits du caroubier sont aujourd’hui un aliment quotidien de moindre importance, leur usage dans l’industrie agro-alimentaire s’est nettement intensifié. La gomme de caroube est issue de l’albumen broyé de la graine. Cette substance mucilagineuse est utilisée comme épaississant dans l’agro-alimentaire pour la fabrication de crème glacée, soupes, sauces et confiseries, mais aussi dans les industries papetière, cosmétique et pharmaceutique. La farine issue de la pulpe séchée des gousses est, quant à elle, employée comme additif alimentaire (code E410) pour les glaces, les pâtisseries et les aliments diététiques. On l’emploie notamment comme succédané de cacao, car la farine de caroube ne renferme ni gluten, ni composants excitants telle la caféine.

Les graines de caroubier ont la particularité d’avoir une masse quasi constante qui avoisine toujours un cinquième de gramme. Depuis l’Antiquité, ses graines sont employées comme un étalon pour peser des gemmes. Le mot grec kération, qui signifie petite corne, désignait la gousse du caroubier. Déformé en qîrât, ce mot arabe signifiant « poids », a donné « carat », unité de mesure toujours en usage pour évaluer le poids des pierres précieuses. Un carat correspond au poids d’une graine de caroube, soit 2 décigrammes.